Roms en France. La presse fait écho aux débats du 22 mars 2017: Respect Magazine (27/03/17)
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Intégration des Rroms en France, mission (im)possible ?

Romanès - credit : flirck
© Flickr

La question des Rroms est totalement absente du débat, dans la course à l’Élysée, alors que nous sommes à quelques semaines du premier tour. Et pourtant, il s’agit d’un sujet important lorsqu’on est le « pays des droits de l’Homme ».

« Nous ne sommes qu’une goutte d’eau, et nous n’avons pas pu faire un lac », regrette la sénatrice Esther Benbassa, le 22 mars 2017, dans une salle du palais du Luxembourg. Pour l’élue EE-LV, « la discrimination anti-Rroms fait l’unanimité dans la société et dans la presse. Leurs différences sont la sources des discriminations dont ils sont victimes ». Il est vrai qu’on a tendance à mettre Tsiganes, gens du voyage et Rroms « dans le même panier ». Voleurs, sales, fainéants sont les clichés qui circulent le plus à leur encontre. L’intégration des Rroms serait-elle impossible chez nous ?

En France, on compte environ 20 000 Rroms. Dans un rapport d’Amnesty International, datant du 8 avril 2014, l’ONG dénonce d’ailleurs le traitement de ces populations sur le territoire français. « Bien qu’ils ne représentent qu’une infime partie de la population française (qui s’élève à 65 millions d’habitants), les Roms sont souvent considérés comme des étrangers envahisseurs qui ne sont pas les bienvenus », peut-on y lire.

Les responsables politiques pointés du doigt

Les responsables politiques et le gouvernement ne sont pas épargnés, notamment l’ex-Premier ministre Manuel Valls. Ses propos, tenus en septembre 2013, sur leurs « modes de vie extrêmement différents des nôtres », ajoutant que « cela veut bien dire que les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie », sont pointés du doigt.

Harcèlements et expulsions font partie de la palette d’actions de l’État français. « Face à cette situation de quasi apartheid, la réponse doit être internationale », et donc européenne, estime de son côté Esther Benbassa. « Je suis passée par là… Parfois, on avait peur d’être expulsé directement en Roumanie, d’être en prison. Grâce à la scolarisation de ma fille en 2007, nous avons réussi à sortir de cette précarité », témoigne Liliana Hristache aux côtés de la sénatrice. Cette maman est présidente de l’association « Rom Réussite » à Montreuil et administratrice du « collectif national droits de l’homme Romeurope ».

La scolarisation, un facteur d’intégration des Rroms

Aujourd’hui sur le terrain pour aider, elle ajoute : « Parfois les familles n’ont plus d’espoir. Pour certaines, nous avons essayé d’inscrire leur enfant à l’école 3 ou 4 fois. Nous avons besoin d’un soutien politique pour sortir des bidonvilles ».

La scolarisation est un facteur d’intégration. Pour autant, il est très difficile d’y inscrire les enfants, faute de justificatif de domicile, une des pièces obligatoires, demandées par les écoles. D’après une étude du Collectif pour le droit des enfants roms à l’éducation (CDERE), menée auprès de 161 jeunes vivant dans des bidonvilles et squats, entre novembre 2015 et juillet 2016, ils sont plus de la moitié entre 12 et 18 ans, à ne pas être scolarisés. Un taux effrayant.

Strasbourg : un exemple à suivre ?

Pourtant, certaines villes ont décidé d’agir. C’est le cas de Strasbourg. Cette expérimentation est le sujet d’un documentaire, réalisé par Anthony Foussard. Intitulé Rroms en France : pourquoi ne seraient-ils pas intégrables ?, le réalisateur est allé à la rencontre des responsables politiques, des personnes ayant travaillé sur ce programme, mais aussi des familles bénéficiaires. « Tout a commencé, en 2008, en découvrant les conditions indignes où vivent certaines personnes sur notre territoire ». Marie-Dominique Dreyssé est adjointe au maire de Strasbourg, en charge des Solidarités et de la mise en œuvre de la politique d’insertion et d’hébergement de la population rrom. « Nous n’avons pas considéré une communauté, mais des familles différentes avec des envies… En partant du principe que ce sont des personnes pauvres », raconte-t-elle.

Le programme ambitionne de stabiliser les familles et de leur permettre de sortir des bidonvilles. Plusieurs canaux pour les intégrer : la scolarisation des mineurs et des cours de français pour les adultes, avec des stages pour qu’ils puissent apprendre un métier, voire à la clé, d’être embauchés par la même entreprise. Au bout du chemin, ils pourront obtenir un appartement. Entre temps, la mairie a créé des sites intermédiaires entre les bidonvilles et les appartements. Ce sont des terrains avec caravanes où les Rroms peuvent avoir accès à l’eau potable, aux sanitaires…

Quel bilan peut-on faire de ce programme ? En 2014, sur les 471 habitants de bidonvilles recensés par la ville de Strasbourg, on compte 175 ayant accédé à un logement. Autre chiffre : en 2016, il ne restait qu’un seul bidonville sur les 14 existant en 2014.

Les bidonvilles en France : à améliorer ou éradiquer ?

« Le bidonville est un phénomène qui touche surtout l’Italie et la France, et tous les Rroms ne passent pas par les bidonvilles, développe Olivier Peyroux, sociologue et membre de l’association « Trajectoires », entre 15 000 et 16 000 personnes en bidonvilles, en France. Le temps moyen dans ces conditions de vie est de cinq ans, ce qui montre un renouvellement, dont certains sortent par le haut. » Des logements de fortune qui ne risquent pas de disparaître.

D’après l’ONU, 1/3 de la population mondiale vivra en bidonvilles d’ici 2050. « On part du principe que l’enjeu serait de ne pas hystériser le débat, mais de prendre les choses de manière positive. Ce n’est pas seulement une question de logements, mais d’habitats. Comment retravailler à ce que nous avons en commun », estime Sébastien Thiéry, politologue et coordinateur des actions de « Pérou, Pôle d’Exploration des Ressources Urbaines ». Accepter l’existence des bidonvilles mais améliorer cet environnement serait-il une solution ?

Peut-être. En tout cas, pour le moment les solutions proposées sont encore loin d’être optimales. D’après Olivier Peyroux, les programmes « d’intégration » ne concerneraient que 10% des personnes en bidonvilles. Les critères de sélection y sont élevés et au final, ce pourcentage « s’en serait sorti de toute manière ». Le sociologue estime aussi qu’il faut travailler davantage avec les pays d’origine. Enfin, vient également la question des hébergements d’urgence. Pour Anne Souyris, conseillère de Paris, coprésidente du groupe écologiste du Conseil de Paris, « ils ont tendance à ré-isoler les gens, et du coup, ils partent ».

Des solutions sont encore à trouver, à améliorer et à perfectionner. D’après la DIHAL, en mars 2015, 19 676 personnes, dont 4 252 mineurs, vivaient dans 577 bidonvilles en France métropolitaine.

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